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La Guerre de 39-45

En juin 40, Lucien n'attend pas l'arrivée des troupes allemandes. Étant déserteur de l'armée allemande il sait qu'il risque de gros ennuis. Il part immédiatement.

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Il est mis à la disposition du Préfet des Charentes à Angoulême sur décision du Préfet Bourrat. La ligne de démarcation divisant la Charente en deux, le Préfet le place auprès du Sous-Préfet de Confolens, afin d'éviter tout rapport avec les Allemands.

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Charles Bourrat avait été nommé Préfet du département de la Moselle le 10 mars 1939. Lorsque Metz est déclaré "ville ouverte", il reste le seul représentant de l’État encore en place. Le 17 juin 1940, le drapeau allemand flotte sur la mairie de Metz. Le lendemain Charles Bourrat est arrêté à la préfecture. Interné, il est expulsé le 8 août sous escorte militaire. Il rejoint Nancy puis Vichy où il expose la situation de la Moselle, les conditions de son arrestation et son expulsion. Le 14 août, il est reçu par le Maréchal Pétain, qui semble ignorer tout de la situation de la Moselle. Il décide de ne plus continuer ses fonctions et retourne à Perpignan, fief de sa famille.

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Le 17 septembre 1940, il est convoqué chez le Ministre de l'Intérieur, qui lui demande de pourvoir aux besoins des Mosellans expulsés qui transitent à Lyon.

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Le 6 octobre, le gouvernement décide de le maintenir dans ses fonctions de Préfet de la Moselle à titre symbolique. Il est chargé d'administrer les expulsés répartis dans les départements de la zone libre.

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LES SERVICES DE LA PRÉFECTURE DE LA MOSELLE A MONTAUBAN

 

Le 10 décembre 1940, les services sont installés à Montauban où Monsieur Durocher, ancien sous-préfet de Thionville, a été nommé Préfet du Tarn-et-Garonne.

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Lucien est appelé par M. Bourrat à le rejoindre pour mettre en route l'organisation de cette nouvelle administration et devient son « bras droit ».

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Au 1er avril 1941, tout le personnel de la Préfecture de Metz, replié ou expulsé est définitivement installé à Montauban.

Les services fonctionneront pendant plus de trois ans entre la fin 1940 et la mi-1944.

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Avec une trentaine de fonctionnaires, Lucien Pougué est chargé sous la direction du préfet Bourrat de mettre en place la Préfecture nouvellement créée.

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Un service d'Alsace et Lorraine est doté d'un budget autonome, dépendant de la Présidence du Conseil de Vichy.

Son rôle est principalement de régler les questions concernant la situation matérielle des expulsés, assurer le mandatement des traitements des fonctionnaires ayant quitté la Moselle et résidant en zone libre, apporter des aides, subventions et prêts à l'installation des expulsés.

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Quelques photos montrent l’équipe en place.

Le préfet anime une commission administrative avec d'anciens élus et responsables de la Lorraine (Guy de Wendel, Sénateur, Gabriel Hocquard, Maire de Metz, Robert Sérot, Député et Président du Conseil général), ainsi que des maires de communes mosellanes mais cette commission n'est que consultative. Une photo montre Lucien parmi toutes ces personnalités.

LES ACTIVITÉS CLANDESTINES

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Mais, le Préfet avec son personnel mènera à côté de ce rôle officiel, toute une activité clandestine et comme l'attestera le certificat délivré après la libération par le comité de libération du Tarn-et-Garonne, la Préfecture de la Moselle à Montauban aura été un véritable nid de résistance.

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Il y était procédé à l'accueil de jeunes Lorrains, qui avaient au péril de leur vie quitté la Moselle pour ne pas servir dans l'armée allemande.

 

L’incorporation de force, décrétée en août 1942, commença en octobre.

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Monsieur Bourrat a obtenu avec l'appui du Garde des Sceaux, une exemption au STO (Service du travail obligatoire) pour les jeunes Alsaciens Lorrains, qui auraient été systématiquement enrôlés dans la Wehrmacht ou, considérés comme déserteurs, auraient été fusillés.

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Pour soustraire les concernés à la menace de la Gestapo et de la milice, on délivre secrètement de faux papiers d'identité et des cartes d'alimentation. La plupart se cachaient dans les forêts afin de ne pas être pris pour le STO.

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Monsieur Bourrat préférait que son personnel ne soit pas lié à un autre mouvement que le sien, pour l'avoir constamment sous sa main et en disposer un jour, pour rebâtir à Metz la Préfecture à la fin de la guerre.

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Une manifestation religieuse et patriotique eut un impact important. Elle fut organisée du 9 au 12 août 1941 lors du pèlerinage du diocèse de Metz à Lourdes. Toutes les personnalités politiques et ecclésiastiques de la Lorraine expulsée y participent ainsi que 20 000 lorrains.

Le 9 juin 1944, en raison de ses engagements patriotiques, le Préfet Bourrat est arrêté par les Allemands et déporté en camp de concentration. Il sera libéré en juillet 1945.

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Différentes attestations certifient l'engagement patriotique de Lucien.

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- Attestation du comité départemental de libération du Tarn-et-Garonne en date du 29 août 1944, qui certifie qu'aux côtés de son préfet, Monsieur Bourrat, arrêté le 9 juin 1944 par la Gestapo, "Monsieur Pougué Lucien, chef de division à la préfecture de la Moselle repliée à Montauban, était connu de nous depuis 1940, pour ses opinions anti-collaborationnistes et son entier dévouement aux mouvements de résistance."

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- Attestation de Monsieur Bourrat en date du 15 septembre 1945 :

"Je soussigné, Charles Bourrat, ancien préfet de la Moselle, déporté politique, certifie que Monsieur Lucien Pougué, chef de division à la préfecture de la Moselle repliée à Montauban, m'a admirablement secondé dans la résistance lorraine, de décembre 1940 au 9 juin 1944, date de mon arrestation par la Gestapo.

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En relation avec les organisations de résistance de Tarn-et-Garonne, il s'est durant 4 années comporté en vrai républicain, professant le mépris le plus absolu pour le gouvernement de Vichy, donnant et procurant asile à de nombreux Lorrains réfractaires et déserteurs de l'armée allemande.

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Lorrain resté fidèle à son idéal patriotique, Monsieur Pougué n'a cessé de donner la mesure de son admirable attachement à son pays, pour lequel il n'a cessé de lutter et de combattre".

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- Extrait du Journal officiel du 16 mai 1946 :

"Ministère de la Défense nationale. Décret du 1 avril 1946 portant nomination dans l'ordre national de la Légion d'Honneur au grade de chevalier. Patriote ardent. S'est déjà signalé par son courage au cours de la guerre de 1914-1918. Titulaire de la médaille des évadés et d'une citation. S'est mis un des premiers à la disposition des mouvements de résistance de la région de Montauban. A réussi par son réel mépris du danger à soustraire de nombreux réfractaires lorrains à leur incorporation dans la Wehrmacht. La présente nomination comporte l'attribution de la Croix de guerre avec palme."

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Il sera nommé officier de la Légion d'Honneur par décret du 26 décembre 1961, insigne remis par Monsieur Laporte, préfet de la Moselle et ami de Lucien

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Retranscription d' une partie du discours qu'il prononça à cette occasion :

"Une pensée vous animait, celle des relations cordiales, affectueuses que nous entretenons depuis de nombreuses années, depuis notre premier contact dans la clandestinité à Limoges. Vous avez été l'homme des deux libérations. Vous avez aidé à la remise en marche de l'administration, réparé les fautes, les erreurs et soulagé les misères faisant ainsi office de grand commis, de grand administrateur.

 

Il évoque ensuite le patriote, le Lorrain appartenant à la génération née dans la tristesse mais qui quitta volontairement le front russe pour s'engager dans l'armée française et qui plus tard, sous l'occupation à Montauban, fit de son foyer, le centre de l'espérance lorraine.

Quant à l'homme, il en souligne le sang froid, le calme dont rien ne le départit et dépeint le conseiller prudent et sage, le camarade fidèle et l'ami sûr dont les yeux brillent parfois d'une lueur d'ironie ou de moquerie.

Vous êtes un homme de bien, conclut-il, un homme comme je souhaiterais qu'il y en eut beaucoup, car vous apportez votre sens réel de l'amitié et de l'humain."

 

Montauban est libéré en août 1944.

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Mais il faut attendre que les régions de l'Est soient libérées à leur tour pour retrouver la Lorraine. De lourds combats vont encore avoir lieu en particulier dans les Vosges et en Alsace.

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Mi-octobre, on confie à Lucien la mission de partir en éclaireur et constituer l'avant-garde pour la reconstitution de la Préfecture dès que la libération sera effective en Moselle. Cet ordre de mission est cosigné le 11 octobre par trois responsables représentant l'autorité politique et militaire de la région (FFI). On lui met à disposition une voiture afin de rejoindre la Moselle dès que possible.

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Il arrive à Hayange mais ne peut entrer dans Metz. La ville ne sera libérée par les Américains que le 22 novembre 1944 après plusieurs mois de violents combats et une résistance acharnée des troupes allemandes. Ce n'est que fin mai 1945 que sa famille pourra le rejoindre en Lorraine.

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